Par Laurie Noreau
Percer les secrets des mondes souterrains
Comment des microorganismes arrivent-ils à survivre plusieurs kilomètres sous terre?
C’est le mystère que Cassandre Lazar tente de résoudre depuis plus de dix ans. « Les mondes souterrains sont un des seuls mondes qui restent encore inexplorés sur la planète », constate la professeure agrégée en sciences biologiques à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
Il faut dire que Cassandre Lazar adore les énigmes. Ce n’est pas surprenant qu’elle ait d’abord envisagé la carrière de médecin légiste. Après deux ans d’études, conquise par ses cours de biologie moléculaire et cellulaire, elle quitte la médecine. Par le plus grand des hasards, elle est initiée aux mondes souterrains pendant son doctorat en écologie microbienne. « À partir de là, ça a été fini : les mondes souterrains, je n’en suis plus jamais ressortie. J’étais fascinée par le fait que les microorganismes sont à l’origine de toute la vie sur la planète. Ce sont nos ancêtres », rappelle-t-elle.
À plusieurs mètres sous nos pieds, là où la nourriture est rare et la lumière pratiquement inexistante, il y a pourtant toute une vie qui arrive à s’installer. Devant une rareté de nutriments, la compétition est cependant féroce. Les microorganismes vont donc développer des mécanismes uniques pour survivre. Ce sont ces stratégies d’adaptation qui fascinent la chercheuse.
Les bactéries dans la mine
Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en Génomique Aquatique Environnementale, Cassandre Lazar est une grande amoureuse de la nature. Elle envie ses étudiants qui se déplacent aux sites de collecte d’échantillons situés à une heure de Montréal.
Là, au cœur de la forêt, ils récoltent des échantillons d’eau souterraine pour observer comment les communautés évoluent dans le temps. Au fil de ses recherches, Cassandre Lazar a découvert une grande biodiversité et des êtres vivants dans des lieux insoupçonnés. C’est le cas des mines abandonnées.
Il y a quelques années, le plongeur explorateur Kevin Brown l’a approchée. Avec des collègues, il plongeait dans la mine Forsyth à Gatineau, une mine de fer abandonnée depuis plus de 70 ans. Il y a aperçu des formes de vie qui ont piqué sa curiosité. En contactant la spécialiste de l’écologie microbienne des systèmes souterrains, il n’en fallait pas plus pour qu’une collaboration naisse.
En récoltant des échantillons d’eau jusqu’à 600 pieds de profondeur, ils ont découvert des microorganismes qui n’avaient jamais été identifiés. « Cet environnement est unique sur la planète », confie-t-elle. « Malgré des conditions de vie extrêmes, de petits êtres microscopiques ont réussi à s’y adapter ». Notamment, certains recyclent le fer pour survivre et ont donc appris à se défendre contre les métaux lourds. Ces bactéries pourraient éventuellement être utilisées pour dépolluer des milieux contaminés.
Plus récemment, son laboratoire a mis en place un bioréacteur pour reconstituer des écosystèmes souterrains. En modifiant les conditions atmosphériques, elle pourra voir comment s’adaptent ces petites bêtes. « Les microorganismes souterrains sont responsables de la majeure partie du recyclage de carbone sur la planète. En révélant leurs mécanismes de survie, nous pouvons déterminer comment ce système va réagir à une contamination avec des produits chimiques ou face aux changements climatiques », souligne-t-elle.